Dans la famille Vie Locale, je demande : Laurent et Nathalie, des Céréaliers pas comme les autres.
Rencontre avec le duo d’AU PETIT GRAIN BIO.
Producteurs Céréaliers (mais pas que), c’est sur leurs terres à Montclar Lauragais que j’ai eu le plaisir de les rencontrer. Ils m’ont ouvert grand leurs portes et m’ont fait partager leur univers.
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Comment l’aventure AU PETIT GRAIN BIO a débuté ?
“J’ai commencé en 1997 en reprenant l’activité familiale de 97 hectares. Je travaillais en agriculture conventionnelle raisonnée. En 2009, j’ai décidé de sauter le pas en passant en agriculture biologique. Nous avons créé une GAEC (groupement agricole en commun) avec l’arrivée de Nathalie en 2015.”
Quel a été le déclencheur ?
“A vrai dire il y en a eu plusieurs. Une prise de conscience, des réglementations de plus en plus contraignantes, une demande du consommateur, la volonté de protéger l’environnement et de faire une production de qualité.”
Aujourd’hui quelles valeurs défendez-vous et comment ?
“Nous défendons l’agriculture biologique et locale, les produits de qualité. Nous souhaitons montrer qu’il est possible de faire mieux.
Nous rejoignons des événements locaux comme dernièrement Localement Bio, un regroupement de producteurs qui organise des journées de vente à la ferme. Nous parlons à qui veut de notre travail & savoir-faire. Nous n’avons rien à cacher, bien au contraire.”
Concrètement que produisez-vous ?
“Nous cultivons plus de 10 variétés de produits que nous déclinons pour certains en farine: pois chiches, sarrasin, lentilles, pois cassés, petits pois, lin, cameline, blés modernes, blés anciens, petit épeautre…”
Que dire à propos de vos blés anciens… ?
“Nous travaillons sur 3 variétés régionales anciennes initialement récupérées de l’INRA : Rouge de Bordeaux, Touzelle, Barbu de Lacaune. Ce sont des blés rustiques résistants naturellement aux maladies.
Cela donne des champs de géants aux couleurs et à l’aspect variés. Les épis sont bien plus grands que les blés modernes ; la tige est souple, ils dansent avec le vent…
On obtient aussi une farine au goût caractéristique et semblerait-il bien plus digeste.”
Rien à voir avec les champs de blé moderne, regardez :
Des inconvénients ?
“Une productivité plus faible. On est ici sur une production qualitative et non quantitative comme l’agriculture conventionnelle tend à l’être.”
Et voilà les 3 variétés de blés anciens que j’ai isolé et que vous pouvez retrouver dans les pâtisseries KléZia.
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L’avenir des paysans producteurs semble aujourd’hui être dans l’autonomie. Aussi Laurent et Nathalie jouent sur tous les fronts. Tout est réalisé sur la ferme sans aucun intermédiaire : récolte, tri, ensachage. Attention un métier peut en cacher d’autres !
Semencier
Chaque année Laurent ressème une partie de sa récolte. Chaque paysan-producteur a sa méthode. La sienne ? La population dynamique par sélection massale.
Ces blés sont appelés populations dynamiques car ils s’adaptent rapidement au terroir de par leur régionalisme mais aussi de par leur diversité initiale. Cette diversité évolue et donc s’enrichit un peu plus chaque année donnant naissance à de nouvelles variétés, aussitôt soumises à la sélection locale.
C’est Laurent qui se charge au cours de ses productions de sélectionner ses plus beaux grains, ceux qu’il gardera pour ressemer l’an prochain. C’est la sélection massale.
Voilà des blés qui évoluent naturellement au fil des années et qui s’adaptent à leur sol, à leur terroir.
On ne parle donc pas seulement de blés anciens mais de blés paysans. Cette sélection paysanne ne date pas d’aujourd’hui mais s’est peu à peu perdue face à l’industrie semencière et leurs semences hybrides universelles.
Producteur
Tout est bien organisé et régi par la rotation des cultures. Il sème son blé en novembre, le récolte en juillet lorsqu’il est bien sec. J’ai appris que si le blé n’était pas « parti », donc sec, on avait des grains de blé « laiteux ». Effectivement quand on l’écrase, on voit apparaitre un liquide blanchâtre. Au final on obtiendrait de la purée et non de la farine. On comprend l’influence du temps sur la période de récolte. Et ensuite on sème à la place, entre autres, des légumineuses porteuses d’azote pour enrichir le sol.
Une fois récolté, tout est trié, débarrassé des éventuelles herbes parasites et stocké dans des silos.
Minotier
Le stock est ensuite utilisé pour être moulu au moment. On obtient ainsi une farine extra-fraîche. Laurent & Nathalie ont investi dans deux moulins du Tyrol à meules de pierre permettant de conserver tous les éléments nutritifs de la graine. L’un dédié à la mouture des variétés sans gluten (sarrasin, petit épeautre, lentille, pois chiche..), l’autre avec. Ils utilisent différent tamis pour obtenir des farines plus ou moins complètes. C’est ainsi qu’ils peuvent aussi bien proposer des farines blanches quasi dépourvues de son que des farines intégrales T150 qui conservent leur son et donc riches en fibres. C’est bien sûr celles-là qu’ils réservent à KléZia.
Vendeur-livreur
Nathalie se charge s’ensacher et d’étiqueter tout ce petit monde. Une livraison est effectuée une fois par semaine en moyenne.
Et après tout ça, vous trouvez du temps pour vous ?
“Il est vrai que le temps libre est compté. En cette période estivale les horaires sont importants. En ce moment c’est 5h30-20h30 non-stop. Je m’octroie le dimanche pour profiter des miens. Mais j’aime ce que je fais et suis animé par de nouveaux challenges. L’agriculture biologique est en plein essor et me permet de découvrir plein de choses. Il y a 6 ans je me suis lancé dans la culture de la lentille. Cette année je teste de nouveaux blés. Je tâtonne, j’apprivoise, je maitrise… C’est stimulant !”
Avec qui travaillez-vous ?
“Nous travaillons auprès de diverses structures. Cela passe aussi bien par des Collectivités, que des magasins et échoppes BIO, des restaurateurs et boulangers indépendants… Depuis peu nous cultivons du lin pour la conception des coussins chauffants.”
Chez qui peut-on retrouver vos produits ?
“Chez nous, au magasin au petit grain bio. Vous serez sûr de trouver toute l’étendue de nos produits. Il est ouvert du lundi au vendredi de 17h à 19h.”
Vous avez compris qu’avec tout ce travail il y a peu de chance de les trouver par hasard à la boutique. Il est donc vivement conseillé de les appeler avant de passer.
“Nous sommes aussi présents chez Ferme Attitude, Ceci&Cela (Toulouse), Grandeur Nature (Labège), Fermement Bon (Muret), Produit sur son 31, Pays’en Bio (Castelnaudary), Côté Ferme (Tournefeuille), Côté Jardin (Salles sur L’Hers).”
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Après une visite riche d’enseignement, je suis repartie avec des idées plein la tête et des épis de blé anciens plein mon sac !