A la rencontre des Jardins de ma petite

Suite au nou­veau posi­tion­nement KléZia en tant que trai­teur et l’arrêt de la vente sur les marchés, je suis tou­jours à la recherche de nou­velles sources d’approvisionnement locales. Quand le “hasard” fait bien les choses… C’est juste à côté de chez moi, sur la com­mune de Lavalette, que j’ai décou­vert Isabelle Mar­tel. C’est dans son univers préservé qu’elle m’accueille.

Com­ment l’histoire a débuté ?

J’ai gran­di dans le Lot-et-Garonne et fait des études d’arts plas­tiques à Bor­deaux. Je suis dev­enue graphiste à mon compte.

En 2011 je démé­nage en Haute Garonne et me lance dans une recon­ver­sion en pâtisserie/chocolaterie. J’ai exer­cé auprès de plusieurs pâtissiers et chez un choco­lati­er.

Cepen­dant, j’avais cette envie de revenir à mon compte et de maîtris­er au max­i­mum l’approvisionnement local par un retour à la terre. C’est ain­si que mon pro­jet de maraîchage cou­plé à une activ­ité de trans­for­ma­tion ali­men­taire a ger­mé. J’ai donc passé un BPREA et lancé en 2020 mon activ­ité de maraîchage spé­cial­isée en petits fruits rouges, fleurs comestibles et aro­ma­tiques.

Il m’a ensuite fal­lu trou­ver des ter­res cul­tivables. C’est ici, à Lavalette, petit havre de paix que j’ai trou­vé ces 4000m2 de ter­rain en com­mo­dat (loca­tion).

Pourquoi ce nom ?

Les jardins de ma petite, le nom est affec­tif à plusieurs points de vue. Il est lié prin­ci­pale­ment à ma belle-maman qui me nomme ain­si « Ma petite », et parce que dans ma famille on m’appelait « La petite Isa »…je n’avais pas envie d’un énième « Les jardins d’Isabelle », et j’aime Alain Bashung alors…ma petite entreprise…est dev­enue Les jardins de ma petite.

Que cul­tivez-vous ?

Je cul­tive sur env­i­ron 2500m2 des fruits (frais­es, fram­bois­es, caseilles (croise­ment entre la gro­seille et le cas­sis), gro­seille, cas­sis, mûres, physalis,…) mais aus­si quelques légumes pour mes trans­for­ma­tions comme des oignons et des courges pour les chut­ney, une 40 aine de pieds de rhubarbe pour des con­fi­tures, du raifort dans l’espoir de faire du Horse-radish (sauce anglaise appré­ciée dans le nord de la France), du cres­son, du basil­ic, des capucines pour des pestos… , de jeunes arbres fruitiers en attente de pro­duc­tion (aman­des, noisettes, kaki, mirabelles, quetsches, abri­cots…)

Je cul­tive aus­si du fenouil pour des pestos que je laisse mon­ter en graines pour de futurs crack­ers et du poivre de Sichuan que j’adore associ­er dans les gelées de fruits rouges.

Chaque année je teste de nou­velles choses. Mes envies créa­tives ne sont freinées que par les con­di­tions cli­ma­tiques.

Cette année les tomates ont attrapé le mil­diou. Avec toute cette eau et en plein champs, elles en ont souf­fert très vite à mon grand regret. Je les ai tail­lées court, on ver­ra si ça redé­marre…

En tout cas, je ne pense pas que ce sera une bonne année pour les jus et sauces tomates.

Quant aux fram­bois­es, la 1ère rangée proche des frênes n’a pas repris. La sécher­esse a fait pro­gress­er les racines de l’arbre et a donc puisé en pri­or­ité l’eau.

Voilà com­ment per­dre toute une moitié de pro­duc­tion…

Je vais donc déplac­er tout ce petit monde à l’automne prochain, et trou­ver d’autres cul­tures peu gour­man­des en eau et qui aiment l’ombre pour les installer à la place, au pied de ces grands frênes que j’affectionne beau­coup.

Pourquoi avoir choisi le trio de cul­ture de fruits rouges/aromatique/fleurs en par­ti­c­uli­er ?

70% de ma pro­duc­tion con­cerne les fruits rouges. La terre avant mon arrivée était seule­ment des­tinée aux bre­bis et chevaux. Elle est donc riche et prop­ice à cette cul­ture. Et puis j’adore ça !

Et pourquoi pas de myr­tilles ?

C’est une ques­tion de pH. Les myr­tilles aiment les som­mets aux ter­res acides. Ici on est plutôt aux alen­tours de 6–7 de pH, donc neu­tre. La myr­tille préfère être autour de 5,5 de Ph. Comme je le dis­ais, c’est mère nature qui com­mande.

Ensuite les fleurs appor­tent la pollini­sa­tion, elles sont donc vitales. Je fais pouss­er de la bour­rache, capucines, souci, mauve…

Quant aux aro­ma­tiques, elles me per­me­t­tent d’élaborer mes créa­tions. En ce moment j’ai de la men­the, de la ciboulette… Bien­tôt il y aura du basil­ic… C’est la même chose pour les légumes.

Pour­riez-vous nous décrire vos méth­odes de cul­ture ?

Je cul­tive en plein champs, sans serre, seule­ment quelques tun­nels nan­tais pour les fraisiers. Le tout dans une démarche agri­cole biologique, cer­ti­fiée AB par eco­cert.

Le désherbage et la cueil­lette se font à la main. Je n’ajoute pas d’engrais, pas d’anti limaces. On peut dire que mes fruits sont 100 % naturels, je laisse la part à la nature, les limaces se réga­lent de quelques frais­es. Sur les 2000 pieds je m’y retrou­ve. Et les abîmées, je les trans­forme en con­fi­tures, sirop, gelée de frais­es…

Il y a un arrosage goutte-à-goutte ali­men­té par le puits. L’idée est de rester le plus autonome pos­si­ble avec un impact lim­ité sur la nature. Je tra­vaille plusieurs var­iétés de frais­es remon­tantes et non remon­tantes : Rubis, Cirafine, Mara, Mae­stro, qui me per­me­t­tent d’échelonner ma pro­duc­tion de mai à octo­bre.

A nous les fraisiers !!

Un net­toy­age des pieds de fraisiers réguli­er, per­met aux var­iétés de frais­es remon­tantes d’offrir une sec­onde, voir une troisième fois, de belles et goû­teuses frais­es au long de la sai­son.

Je les garde env­i­ron 3 ans. Après, ils pro­duisent moins de fruits et cela fait par­tie de la charte BIO. Une rota­tion est oblig­a­toire pour éviter de trop appau­vrir le sol et d’engendrer un ter­rain prop­ice au développe­ment de mal­adies.

L’immunité du sol en quelque sorte ?! 🙂

Cette qua­trième année je démarre des engrais verts comme le sorgho mélangé à une fève ou féve­role… cela per­met d’aggrader le sol, d’améliorer sa struc­ture, de calmer les repouss­es d’adventices, et de faire un apport d’azote pour les cul­tures suiv­antes dans la rota­tion.

De nou­veaux pieds de frais­es seront plan­tés à l’automne pour une nou­velle frais­eraie, sur un autre jardin. Même si c’est plus sim­ple et moins cher de se fournir en stolons auprès de pro­duc­teur bio spé­cial­isés, j’en repique une par­tie moi même. J’en ai repiqué 250 plants la deux­ième année. C’est ma petite con­tri­bu­tion. L’idée de pou­voir gag­n­er en autonomie me réjouit.

Com­ment s’articulent vos dif­férentes activ­ités ?

Le matin est con­sacré à la récolte et aux livraisons chez les pro­fes­sion­nels. Cer­taines journées sont dédiées à la trans­for­ma­tion, d’autres à la comp­ta, l’entretien des jardins et le suivi des cul­tures selon les pri­or­ités.

Qu’aimez-vous le plus dans votre méti­er ?

La cueil­lette du matin, à la fraîche, l’har­monie avec la nature. Un moment agréable quand les fleurs et les fruits s’offrent, ou jouent à cache cache. La nature ira tou­jours plus vite que nous, elle est bien plus forte et résiliente que l’humain, et vouloir la con­trôler ou la con­train­dre est une erreur. La nature me rap­pelle chaque jour de rester hum­ble, à me réjouir de ce qu’elle m’offre, à ne pas chercher à maîtris­er à tout prix, à appren­dre à l’observ­er. Cette aven­ture m’a pro­fondé­ment apaisée. Je me sens à ma place

Cela me rap­pelle cet arti­cle que j’avais écrit où j’aborde l’iki­gai. On se rend bien compte qu’il n’est pas évi­dent de trou­ver sa place comme le dit Isabelle mais des out­ils exis­tent…

Quelles valeurs défend­ez-vous et com­ment cela se matéri­alise t-il au quo­ti­di­en ?

Tout d’abord pro­duire en bio, pro­pos­er de bons et beaux fruits, fleurs, aro­mates et légumes, sains et plein de saveur, en œuvrant sans trop de tra­vail du sol, ni trop de tra­vail mécan­isé.

Pro­pos­er ma pro­duc­tion en local, en vente directe, cir­cuits courts. Essay­er de rester dans une dynamique proche et de dévelop­per des parte­nar­i­ats avec des per­son­nes qui sont dans la même démarche.

Aus­si, il y a deux ans, avec 5 autres agricul­tri­ces du coin, nous avons mon­té une asso­ci­a­tion « Paysannes » qui nous per­met de par­ler de nos métiers au féminin (sans être fémin­istes), et de créer du dia­logue et des ren­con­tres autour des thé­ma­tiques qui nous tien­nent à cœur. Nous pro­posons un 1er événe­ment le 2 sep­tem­bre prochain, à Ver­feil, « Les bucol­iques » une fête paysanne avec ren­con­tres, ate­liers, con­férence, petite restau­ra­tion et con­cert.

De plus, la plu­part d’entre nous 6 tra­vail­lons avec Up for her une struc­ture qui crée de l’emploi pour des femmes en réin­ser­tion, qui ont con­nu des dif­fi­cultés (pré­car­ité, vio­lences…) dans leur vie. Up4her pro­pose aux entre­pris­es des buf­fets de pro­duits locaux, et fait appel aux fonds ESS qui per­me­t­tent de financer pro­gres­sive­ment de l’emploi sol­idaire.

Des pro­jets ?

Oui, je vais con­stru­ire l’an prochain un lab­o­ra­toire de trans­for­ma­tion avec des algé­co pour dévelop­per mes trans­for­ma­tions. Il me fau­dra sûre­ment embauch­er à mi-temps de mai à fin sep­tem­bre une per­son­ne poly­va­lente pour m’accompagner dans ce développe­ment. A bon enten­deur !!

J’aimerai aus­si con­stru­ire une mini serre pour mes semis de fleurs et aro­ma­tiques. Et pour pro­jet un séchoir solaire auto-con­stru­it.

Avec qui tra­vaillez-vous ?

Je tra­vaille avec des pro­fes­sion­nels de bouche : des pâtissiers comme KléZia, la pâtis­serie Saveurs Nature à Puy­lau­rens, des clients restau­ra­teurs notam­ment L’auberge de la forge à Lavalette, des entre­pris­es pour la par­tie trans­for­mée, des com­merces ali­men­taires de prox­im­ité.

Où vous trou­ver ?

Vous pou­vez retrou­ver quelques-unes de mes pro­duc­tions dont les fruits frais chez les Tarées du vrac à Toulouse, les Pépites d’Odrey et Le petit comp­toir à Ver­feil.

J’ai eu le plaisir de trans­former pour la 1ère fois ses pro­duits lors de la retraite bien-être de l’Oasis de l’Aube en Dor­dogne avec la douce et pétil­lante Ilia Renon. Les par­tic­i­pantes ont eu droit à la fameuse cru­fi­ture de fruits rouges, glace à la fraise, plats relevés de sub­tiles fleurs et plantes aro­ma­tiques et le fameux fraisi­er veg­an pour la soirée d’anniversaire…

Mer­ci beau­coup Isabelle pour cette par­en­thèse et ce temps accordé mal­gré la péri­ode.
J’ai trou­vé énor­mé­ment de réson­nances et de valeurs com­munes que j’espère avoir réus­si à retran­scrire dans cet arti­cle. Cela fait du bien de trou­ver un tel écho. S’en est presque per­tur­bant, mais j’imagine que c’est une ques­tion d’habitude 🙂

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