M’approvisionnant en direct producteur, les maraîchers sont les 1ers fournisseurs KléZia. Et pourtant, aucun article à l’horizon. Je vous emmène donc voir l’exploitation de Michaël, en Ariège.
Comment l’histoire a débuté ?
Tout commence il y a une trentaine d’année, avec le rachat de cette exploitation de plus de 15 hectares située sur la commune de Fabas en Ariège, par un couple de britanniques.
Ce sont les parents de Cia Grain, aux côtés de qui je travaille aujourd’hui. Dès le début, ils ont voulu cultiver des petits fruits et des légumes, d’une part pour se nourrir mais aussi pour en vivre.
L’exploitation est depuis le début (1990) en agriculture biologique avant même que les labels existent.
En 2010, alors en poste de Directeur de supermarché, et en total désaccord avec les méthodes et principes de la grande distribution, je les suis dans leur quotidien pendant quelques mois : maraîchage, achats, marchés…
Ils vendent alors leurs produits sur 2 marchés de la région, dont le magnifique marché de Montbrun Bocage dont ils sont à l’origine.
Le métier me passionne, et avec Cia nous commençons à développer quelques nouveaux marchés. Nous avons repris la gestion de l’exploitation dans son intégralité en 2017 et depuis ses parents continuent à nous aider en nous prodiguant de précieux conseils, et en nous partageant tout leur savoir, ils nous aident également pour les petits plants car nous faisons partis de ceux qui n’achetons pas leurs plants. On sème !!
Mixant depuis le début entre production et achat revente, j’ai récemment décidé de rejoindre l’exploitation à plein temps pour opérer vers une bascule pratiquement exclusive de la production.
Ayant pris conscience depuis les différentes crises qui nous touchent depuis maintenant quelques années l’importance de produire l’essentiel de nos légumes, je travaille toutefois en collaboration avec des collègues producteurs du Roussillon aux valeurs communes. Cela nous permet de proposer de bonnes pêches et nectarines ainsi que des abricots que nous ne pouvons pas produire sur notre exploitation. De plus, le décalage des saisons avec le Roussillon fait que nous pouvons proposer leurs produits avant les nôtres et vice et versa. Par exemple ils ont des tomates 2 mois avant nous et quand les leurs se terminent, les nôtres commencent, nous pouvons ainsi chacun proposer les produits sur nos marchés respectifs. Nous avons aussi planté il y a 3 ans des citronniers en commun chez eux pour pouvoir proposer bientôt un peu de citron BIO français.
Des citrons occitans !!! Quand je vous dis que la ressource en pépites locales est inépuisable !!!
Combien êtes-vous à travailler pour cette exploitation ?
Nous sommes 5 en tout.
-Cia qui est la chef d’exploitation et qui s’occupe de la ferme et de 3 marchés
-Ses parents qui nous aident ponctuellement pour les petits plants ou petits travaux.
-Tim qui me seconde sur les marchés et qui en gère 1 tout seul.
-Et moi-même qui travaille sur l’exploitation pour tout le maraîchage, et qui gère 2 marchés.
Quelle est l’étendue de votre production ?
L’exploitation que vous pourrez voir sur les photos se trouve à la lisière de jolis bois. Le cadre est magnifique, et nous donne de très bons légumes.
Nous cultivons sur 1hectare de serre et 1hectare de plein champs beaucoup de légumes de saison ainsi que des fraises, asperges depuis peu, herbes asiatiques, maïs, cerises, quelques pommes et pêches de vigne.
Pour les tomates nous cultivons plus de 20 variétés anciennes : Green zebra, Ananas, Noire de crim2e, Rose de berne, Blue indigo, Marmande, Cœur de bœuf…
Pourriez-vous nous décrire vos méthodes de culture ?
Pour les semences c’était assez mixé entre F1 et population mais maintenant, après analyse de nos sols pour contrer les différentes maladies, nous nous dirigeons vers du 100% population. Nous achetons quelques unes de nos graines et nous récupérons les autres.
Pour les moins aguerris, les semences F1 sont des semences standardisées qui entrent dans le catalogue de semences. https://www.geves.fr/catalogue/ comme je vous en parlais pour le blé dans cet ancien article. Ces semences sont totalement contrôlées par l’industrie agroalimentaire et ne peuvent se reproduire. C’est à dire que chaque année vous devez racheter des graines à ces géants, sans quoi vous n’aurez rien à produire. Où est la dépendance alimentaire dans tout ca ? Du coup Michael s’oriente vers des graines reproductibles appelées “de population”.
Avant nous faisions du maraîchage avec travail du sol (cultivateur, rotovator….) Nous basculons petit à petit sur la culture sur sol vivant. Le travail du sol se fait désormais par engrais verts, racines, insectes et vers de terre. La nature fait bien les choses comme vous pouvez le voir…
Niveau irrigation, on utilise le principe du goutte à goutte essentiellement, cependant nous tentons de le minimiser avec du paillage pour diminuer le besoin en eau, et l’ajout de matière organique pour la rétention d’eau dans le sol .
Pour les nuisibles nous luttons avec des auxiliaires, ces petites bébêtes qui vont en manger d’autres, des algues, du purin de plantes, du savon noir, des huiles essentielles, et des pièges à phéromones. Rien n’est parfait et sûr mais les récoltes restent belles et fructueuses dans l’ensemble.
Combien de personnes pensez-vous pouvoir nourrir avec votre production ?
Il est très difficile de répondre à cette question, mais nous pouvons fournir 6 marchés de plein vent ainsi que l’école et le centre de loisirs de notre commune, une cantine de collège et un restaurant de notre secteur.
Avec qui travaillez-vous ?
Niveau professionnel, je travaille donc avec la Cantine du collège de Lézat-sur-lèze ponctuellement, l’Ecole de Fabas, le Centre de loisirs de Fabas, Ste- croix-volvestre. Mais aussi avec quelques professionnels de bouche comme le Restaurant le poulpe du lac à Sainte-Croix-Volvestre ou encore KléZia.
Où vous trouver ?
Vous pouvez nous retrouver sur les marchés de :
-Ste croix volvestre le mercredi
-Mas D’azil le mercredi
-Tournefeuille le vendredi après-midi
-Cazères le samedi
-Escalquens et Montbrun Bocage le dimanche.
Quelles valeurs défendez-vous et comment cela se matérialise t-il au quotidien ?
‚Déjà nous sommes certifiés BIO et cela nous tient à cœur. Avoir une nourriture saine est une évidence. Nous vivons dans une belle région où il y a une énorme biodiversité, et il serait impensable de détruire la nature et de mettre du poison dans la nourriture que nous ou la population va consommer .
‚Ensuite nous tenons à valoriser les circuits-courts. Pas de coopératives, GMS etc…
Mon expérience de la Grande distribution m’a marquée au fer rouge ! Issu de ce milieu, qui maltraite les producteurs en tirant les prix vers le bas, qui ne valorise en rien les produits et qui met en place une exclusivité avec eux pour les étouffer petit à petit, j’ai décidé de ne vendre qu’en direct ou à ne servir que si cela se présente, de petits magasins, à condition que l’éthique soit de mise.
‚L’importance du réseau de producteur et de l’entraide. Pendant le 1er confinement, un sursaut d’intérêt pour les circuits-courts a eu lieu. Il y a eu une énorme demande. Nous n’avons refusé personne, nous avons travaillé jour et nuit pour pouvoir servir tout le monde. Nous avons eu un espoir, espoir que de plus en plus de personnes prennent conscience de l’importance des circuits-courts, et puis ……plouf ; tout ce petit monde est retourné à sa routine en délaissant un peu plus les marchés. Nous continuons à livrer toutefois quelques personnes.
Devant la crise alimentaire et les pénuries qui menacent, j’espère que de plus en plus de personnes viendront soutenir les producteurs locaux, ce qui n’est plus trop le cas actuellement à l’instar de la grande distribution. Ne faisons pas disparaître les petits agriculteurs essentiels pour la souveraineté alimentaire de la population.
En effet, actuellement le manque ne se fait pas sentir, car beaucoup de légumes et fruits sont importés depuis les pays voisins. En effet, sans l’Espagne par exemple nous manquerions de beaucoup de fruits et légumes, mais il y a aussi l’Italie, la Belgique, la Suisse etc….Il y a déjà quelques jours, des problèmes pour l’entrée de ces produits depuis l’Espagne et L’Italie étaient bloqués, notamment en raison de la grippe aviaire, mais ceci va aussi probablement arriver pour d’autres raisons comme le besoin de garder leur production pour leur propre population, l’augmentation des coûts de production, du transport, guerres, épidémies etc …
Et dans ce cas que restera t-il à manger dans les grandes surfaces ? Etablissements qui travaillent essentiellement avec l’étranger et les industriels, sans compter les scandales sanitaires de plus en plus fréquents. Et pour les prix aussi que feront-ils s’ils ont le monopole ? Et le bio dans tout ça ? Serons-nous condamnés à manger des fruits et légumes bourrés de pesticides car ils sont plus rentables de produire en traitant à grands coups de produits chimiques ?
Alors soutenir les petits producteurs est vital maintenant afin d’éviter qu’ils ne disparaissent et se retrouver dans de telles situations, car en effet pour l’heure, notre pays n’en compte pas suffisamment pour nourrir tout le monde. Mais qui aujourd’hui a envie de se lancer dans l’aventure paysanne dans ces conditions ? Les terres sont difficiles à acheter, les débouchés peu glorieux…
Pour notre part, nous essayons de produire un peu plus, en maîtrisant les coûts de production, en cherchant des solutions annexes face à l’augmentation des coûts, tout cela pour pallier au mieux à la crise à venir et ne pas devoir faire subir au consommateur une augmentation de prix démesurée. Nous comptons sur vous.
Michael
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Merci 1000 fois Michaël pour la découverte de ton univers, ton engagement et tes mots qui j’espère sèmeront des graines d’éveil supplémentaires.
A ce jour sachez que les circuits-courts et petits commerçants, sont en grande souffrance. Le combo augmentation du prix de carburant/diminution de la clientèle amènent certains producteurs à abandonner des marchés pour se concentrer sur de l’extra-local et certains même leur exploitation.
Tous les jours des commerces et exploitations ferment par manque de clients. Du coup, les marchés se dépeuplent. Comprenez-vous la suite de l’histoire ? Cette part de marché ne disparaît pas pour autant. « rien ne se perd tout se transforme » mais là, pour le coup, ce sont les géants de l’industrie qui se régalent. Et surtout, qui auront mains mise sur le contenu de votre assiette et peut-être même son rationnement. Comprenez que nos choix alimentaires sont un vote bien plus fort qu’un bout de papier. Ils ont le pouvoir d’influencer notre avenir. Michaël est un convaincu et j’ai tenu à le mettre à l’honneur par cet article. Ses mots seront sûrement plus forts et impactant que les miens.
J’espère vraiment que son témoignage “vu de l’intérieur”, vous fera voir les choses autrement, suffisamment pour consommer autrement, pour faire encore un peu plus, encore un peu mieux, si ce n’était déjà pas le cas. Il y a urgence à alimenter l’indépendance paysanne et les circuits-courts ! C’est nous qui sommes au bout de cette chaine…
Vous me trouvez alarmiste ? Regardez ce reportage ci-après qui vous montrera qui est le « petit » gagnant de l’histoire, appartenant aux GAFAM -GoogleAmazonFacebookAppleMicrosoft-, bien sûr, et ce qui peut nous pendre au nez…
Hypermarchés, la chute de l’empire
https://www.gloria.tv/post/Q7b4j8qzjSqU47Z4kHLgHQrn4#20
Vous vouliez manger des frites ? Dommage vous n’avez droit qu’à 1 bouteille d’huile mensuelle par foyer. Vous vouliez une belle salade bio et pleine de vitamines ? Ah mince, aujourd’hui c’est plat OGM sous vide et sans saveur… Vous aurez seulement le pouvoir/choix de ne pas le manger^^
On ne peut prêcher un convaincu, on ne peut rendre la vue à un aveugle, mais on peut toujours semer des graines de conscience qui permettront, on l’espère très fort, un passage à l’acte et un avenir meilleur, pour nous tous. Action !
Raphaëlle