A la rencontre de Cocotte & Potiron

Cela fait un bon moment que je voulais rédi­ger un arti­cle sur cette petite graine noire. La graine de chia et KléZia, c’est toute une his­toire.

Au début de l’aventure, en 2016, je pen­sais encore la cul­ture de cette petite graine étrangère et non con­cil­i­able avec le cahi­er des charges KléZia.  Et puis, voilà que j’entends par­ler de la 1ère cul­ture de chia Française ! Aus­sitôt décou­verte, aus­sitôt appréhendée. Puis douce­ment la cul­ture s’est démoc­ra­tisée. D’autres pro­duc­teurs se sont mis à en faire. Aujourd’hui, je vous emmène donc chez Patrick, pro­duc­teur en Haute-Garonne.

Com­ment l’histoire a débuté ?

Mon Papa était agricul­teur céréalier, J’ai donc baigné dans le milieu depuis mon plus jeune âge. Néan­moins, je n’étais pas sûr de vouloir repren­dre l’activité. J’ai donc pour­suivi mes études pour devenir ingénieur & con­seiller agri­cole.
Aujourd’hui, grâce à ce diplôme, j’accompagne des chefs d’entreprise de mon ter­ri­toire dans les étapes clés de ges­tion de leur entre­prise et notam­ment les entre­pris­es du secteur agri­cole.

Pour la petite his­toire, c’est lors de ma créa­tion d’entreprise que j’ai ren­con­tré Mr Lip­pi^^ C’est lui qui m’a accom­pa­g­né et con­seil­lé sur plusieurs étapes. Du temps s’est écoulé et la vie nous a amené à nous recrois­er grâce à ses graines de chia dis­tribuées anci­en­nement chez Maud des Briques Rouges à Toulouse. Oui, le monde est petit !

En par­al­lèle je cul­tive 22 hectares dont la pro­priété est famil­iale. Plusieurs types de cul­tures se suc­cè­dent. 


En 2020, j’ai créé un site e-com­merce pour ven­dre ma pro­duc­tion ; puis en 2021 un com­merce de pro­duits biologiques où je vends égale­ment les pro­duits de mon exploita­tion : légumes frais de sai­son et graines que je cul­tive.

Ah oui quand même. Ça en fait des métiers !

Com­ment vous organ­isez-vous pour gér­er ces 3 activ­ités ?

Mon pre­mier méti­er (con­seil) est devenu très sec­ondaire aujourd’hui. Je me con­sacre prin­ci­pale­ment au com­merce, avec l’aide de mon asso­cié et à la pro­duc­tion agri­cole, avec l’aide de mon père. La pro­duc­tion agri­cole ne demande pas une présence régulière tous les jours. Il y a 2 pics de tra­vail : le pre­mier au print­emps, de mi-mars à fin mai et le sec­ond de mi-août à fin octo­bre. La dif­fi­culté est de com­pos­er avec le cli­mat mais cela fait par­tie du méti­er.

Pourquoi ce nom de cocotte et pot­iron ?

Pour la petite his­toire, j’ai com­mencé la pro­duc­tion de légumes par les courges en 2016. Lorsque j’ai cher­ché un logo en 2019 c’est en voy­ant mes poules pon­deuses dans leur parc que j’ai fait l’association entre les deux…

Que cul­tivez-vous ?

Juste­ment afin d’optimiser mon temps, je cul­tive des plantes rus­tiques et faciles à con­duire. Etant en agri­cul­ture biologique, les seules inter­ven­tions se déroulent pour le semis et puis la récolte. Les légumes frais deman­dent plus de tra­vail et de suivi mais je mécan­ise les inter­ven­tions au max­i­mum (pré­pa­ra­tion, semis, plan­ta­tion, binage). 

Voici les pro­duc­tions prin­ci­pales : lentilles, chia, hari­cots, féve­role, orge, pois, légumes de sai­son (courges, tomate, pommes de ter­res et patate douce, oignons, artichauts, salades).

Et chaque année je teste de nou­velles choses :

L’an dernier c’était l’Orge mondé.
Cette année j’ai réitéré la cul­ture de Patate douce, après des résul­tats mau­vais en 2021. 

Elle se plait mieux en cette année 2022 chaude. Elle reste cepen­dant par­ti­c­ulière­ment gour­mande en eau.

Pourquoi avoir choisi la cul­ture du chia en par­ti­c­uli­er ?

Après un pre­mier test de la cul­ture en 2017 sur une petite sur­face j’ai implan­té 8,000 m2 de chia en 2022 sur 2 par­celles dif­férentes (une à la terre légère et l’autre plus argileuse). Comme il n’a pas plu après le semis, elle a bien levé sur la par­tie légère. Sur l’autre par­tie elle a atten­du la pluie ce qui a décalé son cycle d’1 mois. Elle a au final beau­coup plus souf­fert de l’année sèche et chaude sur la par­celle en décalé. Sinon je trou­ve cette var­iété rus­tique, résis­tante au sec. Je pra­tique 2 à 3 binages pour lim­iter la con­cur­rence des adven­tices.

Que dire à pro­pos de la chia ?

C’est une plante très car­ac­téris­tique. Tout d’abord, son odeur. Elle sent le chan­vre ! Mais aus­si son port majestueux du haut de ses 80 cm de hau­teur, sa tige tubu­laire et ses fleurs de couleur royale bleues vio­lines. On peut dif­fi­cile­ment la con­fon­dre.

Per­son­nelle­ment j’ai trou­vé une forte ressem­blance avec la sauge. Tout va bien c’est de la même famille : Salvia His­pan­i­ca 😉

Sa cul­ture est facile et durable d’autant plus qu’elle est adap­tée à un cli­mat chaud et sec. Son réseau raci­naire pro­fond et impor­tant qui lui per­met de sup­port­er les temps secs.

Sa pousse est donc lente, le temps au réseau raci­naire de se for­mer. Néan­moins, il n’y a pas de magie. Un peu d’eau lui est vital. Ici cer­tains pieds ont déjà eu trop chaud…

Ses pro­priétés

Il est vrai que comme toute les sauges, les feuilles et tiges peu­vent être intéres­santes et pour­tant encore non ou sous-exploitées. 

  • Les feuilles 

Elles sont entière­ment comestibleDe saveur très douces, les feuilles de chia fraîch­es peu­vent être util­isées en salade, dans des poêlées ou des jus verts. Aus­si bien fraîch­es que sèch­es, elles peu­vent aus­si s’utiliser pour des infu­sions aux ver­tus thérapeu­tiques ; tra­di­tion­nelle­ment util­isé pour soulager la douleur, la fièvre et les maux de gorge. (source https://agriculture84.fr)

Si vous en plantez, vous saurez désor­mais quoi en faire !

  • Les graines

Les graines n’ont que peu de saveur mais regor­gent d’éléments nutri­tifs. C’est une des plantes qu’on peut appel­er “super-ali­ment” : 

> Teneur en Acides Gras Poly-insat­urés et plus pré­cisé­ment en Omé­gas 3. L’huile de chia est notam­ment la plus riche en omé­gas 3 devant l’huile de chan­vre. En plus, elle pos­sède un ratio omé­ga 3/6 par­fait qui lui con­fèrent des ver­tus anti-inflam­ma­toire. 

> Pou­voir anti-oxy­dant 

>Vit­a­mines et minéraux : Cal­ci­um, mag­né­si­um, potas­si­um…

>Pro­téines végé­tales com­plètes c’est à dire qu’elles con­ti­en­nent tous les acides aminées essen­tiels à l’organisme, ce qui est assez rares dans les monde végé­tal. La teneur en pro­téines ren­dra vos repas ras­sasiants.
Aus­si riche en tryp­to­phane ; acide ani­mé capa­ble de pro­duire la séro­to­nine et la méla­to­nine ; ces petites graines favoris­eront un bon som­meil.

>Fibres sol­ubles qui per­me­t­tent de réguler le tran­sit intesti­nal.

>Pro­priétés mucilagineuses. C’est une capac­ité spé­ci­fique de ces graines qui lui per­met de gon­fler au con­tact d’un liq­uide et de créer un gel. Ce gel est tout aus­si intéres­sant natur­opa­tique­ment par­lant, car il entraine les impuretés du corps, mais aus­si culi­naire­ment par­lant, car il per­met d’épaissir tout en con­ser­vant un IG bas cer­taines pré­pa­ra­tions. Retrou­ver un bel exem­ple dans la recette de la cru­fi­ture au kiwi 

 

Pour­riez-vous nous en dire plus sur son arrivée en France ?

La chia “graine des Dieux” est orig­i­naire des zones sub­trop­i­cales d’Amérique du Sud. Sa cul­ture démarre en 3500 av. JC.

Une pre­mière var­iété (Oruro) voit le jour après plusieurs années de tra­vail pour l’adapter à nos cli­mats, grâce à un semenci­er de Ville­mur sur Tarn et pro­posée par la coopéra­tive Qual­isol.

Cette année, je cul­tive une autre var­iété la Salvia His­pan­i­ca « Mon­ca » qui a été dévelop­pée par une autre entre­prise de la région. Je la trou­ve mieux adap­tée à mes con­di­tions de cul­ture.

Pour­riez-vous nous décrire vos méth­odes de cul­ture ?

Le semis se réalise entre fin avril/début mai. La flo­rai­son arrive courant juil­let.
Je récolte en septembre/octobre.
Comme elle fleuri en décalé (de façon étalée), toutes les graines ne mûris­sent pas en même temps, le fauchage peut ain­si per­me­t­tre de faire mûrir toutes les graines

Com­bi­en est-ce que vous récoltez ?

Je sème env­i­ron 4 kg/hectare, c’est très peu com­paré au blé (160 kg pour du blé en bio) 
Le ren­de­ment de récolte est vari­able d’une année sur l’autre et dépend forte­ment du cli­mat. En 2022 les fortes chaleurs ont fait avorter beau­coup de fleurs qui n’ont finale­ment pas don­né de graines. 

La récolte ne dépasse pas les 100 kg au total. Ceci explique le prix de vente élevé de la graine de chia. Seule la graine est à ce jour val­orisée. La var­iété que je cul­tive a des graines très som­bres et uni­formes.

Néan­moins, on peut percevoir une dif­férence d’intensité entre deux années de récolte 

De façon générale, je cul­tive tous les ans unique­ment 12 hectares sur les 22 disponibles. Cela me per­met de pra­ti­quer une rota­tion longue des cul­tures. Je mets en place un mélange à base de légu­mineuses pour enrichir les ter­res. Ensuite je cul­tive une céréales, puis les lentilles et hari­cots. J’essaie de lim­iter le tra­vail du sol pen­dant les péri­odes cri­tiques pour le sol (été et hivers) et j’implante un cou­vert à base de féve­role avant les cul­tures légu­mières d’été qui sont les seules à être irriguées avec les hari­cots.

L’objectif est de laiss­er vivre le sol au max­i­mum. Ma sat­is­fac­tion est de voir de très gros vers de terre lorsque je creuse dans ma terre. Ils se nour­ris­sent des résidus des plantes c’est pour cela qu’il faut tou­jours faire en sorte d’avoir une plante présente sur le sol, que ce soit une cul­ture des­tinée à être ven­due ou une cul­ture dite cou­vert végé­tal (engrais vert).

Niveau irri­ga­tion, on utilise le principe du goutte à goutte essen­tielle­ment, cepen­dant nous ten­tons de le min­imiser avec du pail­lage pour dimin­uer le besoin en eau, et l’ajout de matière organique pour la réten­tion d’eau dans le sol .

Je ne mets de l’engrais organique que sur les légumes frais.

Pour les nuis­i­bles je laisse faire la nature en essayant de favoris­er la vie des insectes aux­il­i­aires : présence d’arbres, de haies et d’herbe à toute sai­son. Rien n’est par­fait et sûr mais les récoltes restent belles et fructueuses dans l’ensemble.

Quelles valeurs défend­ez-vous et com­ment cela se matéri­alise t-il au quo­ti­di­en ?

Déjà l’exploitation est cer­ti­fiée BIO et cela me tient à cœur. Avoir une nour­ri­t­ure saine est une évi­dence. Nous vivons dans une belle région où il y à une énorme bio­di­ver­sité, et il serait impens­able de détru­ire la nature et de met­tre du poi­son dans la nour­ri­t­ure que nous ou la pop­u­la­tion va con­som­mer.

Mes valeurs prin­ci­pales sont : 

  • la pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité
  • le partage et l’échange avec les per­son­nes qui ont les mêmes con­vic­tions.

Pourquoi faire le choix de la vente en coopéra­tive?

Menant une petite exploita­tion com­paré aux agricul­teurs voisins, la coopéra­tive me per­met de dis­pos­er de moyens pour pro­duire effi­cace­ment et m’assure un débouché pour mes pro­duc­tions. Le triage et le stock­age de mes graines se fait à la coopéra­tive car il faut un matériel très per­for­mant pour garan­tir un pro­duit con­som­ma­ble par l’homme.

Avec qui tra­vaillez-vous ? 

Pro­fes­sion­nels de bouche : KléZia, des clients restau­ra­teurs, dont un au Dane­mark, des com­merces ali­men­taires de prox­im­ité (épiceries vrac, itinérante…)

Où vous trou­ver ?

Vous pou­vez retrou­ver quelques-unes de ses pro­duc­tions dont les graines de chia :

  • dans son mag­a­sin Granibio à Cadours (13 chemin d’en palanque 31480),
  • sur son site inter­net : www.granibio.fr
  • sur plusieurs plate­formes inter­net : pour de bon, les halles casi­no
  • dans cer­taines épiceries à Toulouse : Campil­lo, Essen­tiel sud-ouest, les cueilleuses, etc…

Encore une fois, je me sens priv­ilégiée de pou­voir décou­vrir ces cul­tures intimistes. J’ai appris beau­coup de choses sur la chia qui peut vite sem­bler “courante” quand on se tourne vers le végé­tal. Il est tou­jours bon de lier la fourche à la fourchette n’est-ce pas ?

Et j’en ai prof­ité pour repar­tir avec un pré­cieux sac d’orge mondé pour de prochain Orget­to:), soit le risot­to à IG bas !!

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